Violences sexuelles dans l’Église catholique et psychologie (5)
L’efficacité de la psychanalyse et des thérapies psychanalytiques

Les formes étranges que prend parfois le développement des prières pour obtenir la guérison invitent à un recul critique, tant pastoral, que théologique et psychologique. 

Voici quelques ressources à ce sujet, pouvant alerter sur les risques de manipulation, emprise, dérive sectaire, confusion entre psychique et spirituel, superstition, crédulité, déviation théologique, et favoriser le discernement :

p. 85 : Autant la prière de demande ne pose pas de problème, car chacun peut bien demander à Dieu ce qu’il veut de façon la plus concrète et incarnée possible, autant les autres formulations ne vont pas de soi. Traiter la maladie comme un esprit à expulser peut induire une vision déformée de celle-ci : dans les abus de pouvoir à caractère spirituel, on retrouve ainsi des personnes rendues vulnérables par la maladie qui ont eu à subir des exorcismes pour des problèmes somatiques alors que, dans le même temps, on ne les laissait pas aller consulter un médecin8  !  De plus, inciter une personne malade à la suite d’un traumatisme à pardonner à celui ou celle qui lui a fait du mal est une manière de ne pas entendre la plainte et de nier la réalité du traumatisme. Les psychologues sérieux savent qu’il faut des mois et parfois des années pour reconnaître le préjudice subi et pouvoir passer à autre chose. Enfin, inciter à demander pardon pour une maladie conduit à supposer un lien de causalité qui ne va pas de soi.

p. 86 : De plus, le malheur induit par la confusion entre pardon et guérison est majoré quand, à cela, s’ajoute une confusion entre les domaines psychiques et spirituels. Les sessions Agapè de « guérison intérieure », telles qu’elles furent pratiquées au Puy-en-Velay (Haute-Loire) de 2001 à 2017, ou telles qu’elles se pratiquent à Cacouna, au Canada, sont exemplaires de cette confusion. Il s’agit d’une méthode holiste, qui appelle « blessure » tout ce qui relève de l’énigme existentielle (nous ne sommes pas transparents à nous-mêmes) et fournit une solution à cette blessure, appelée « guérison10  ». 

p. 87 : À trop vouloir confondre l’ordre psychologique et l’ordre spirituel, on en oublie la grande leçon de Thomas d’Aquin qui insistait sur l’autonomie des causes secondes. Pour le dire en un exemple comme en cent : c’est parce qu’il y a des soignants qui guérissent certains patients que l’on peut dire que Dieu guérit. Il guérit en tant qu’il a donné à l’homme la capacité d’en guérir d’autres ! C’est bien pour cette raison qu’il est légitime de laisser tel frère ou telle sœur consulter le psychologue ou le psychiatre (que ce dernier soit croyant ou non n’a d’ailleurs aucune importance puisque l’on n’est pas dans l’ordre de la foi mais dans celui du soin), s’il en a besoin. S’il devient plus libre après dix ans de psychanalyse, c’est un service qu’il rend à ses proches, à son Église et à tous ceux qu’il rencontrera. En ce sens, la véritable pauvreté n’est pas de se priver des soins nécessaires, mais d’accepter qu’ils soient nécessaires.

p. 88 : le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, précisait bien les choses dans l’ Instruction sur les prières pour obtenir de Dieu la guérison, déjà citée : « Dans de nombreux cas, pas toujours occasionnels, on proclame que des guérisons y ont eu lieu et l’on suscite l’attente du même phénomène dans d’autres réunions du même genre. Dans un tel contexte, on évoque parfois un prétendu charisme de guérison. »

p. 88-89 : C’est peut-être chez Jean de la Croix que l’on trouve le plus de mises en garde envers les dons et les prodiges surnaturels. Il met en garde son lecteur contre la joie procurée par les prodiges tels que « la guérison des malades, la résurrection des morts, la délivrance des possédés, l’annonce de l’avenir » : « Les œuvres surnaturelles et miraculeuses […] sont à l’homme de peu d’importance puisqu’elles ne peuvent par elles-mêmes lui servir de moyen pour s’unir à Dieu : seule la charité unit à Dieu » ( Montée du Carmel, livre III, chapitre 30, 4). Puis Jean de la Croix s’attache à démontrer les dommages produits lorsque l’âme place sa joie dans une recherche des biens surnaturels : « Elle peut tromper les autres et se tromper elle-même ; elle peut souffrir un détriment au regard de la foi ; enfin, elle peut donner dans la vaine gloire et dans la vanité » (ibid., III, 31, 1). Il rappelle opportunément que « l’on peut soi-même perdre beaucoup de mérite de la foi, parce que la grande estime donnée aux miracles affaiblit considérablement l’ habitus substantiel de la foi, qui est un habitus obscur » (ibid., III, 31, 8). Cet argument est majeur. La recherche de merveilleux, de miracles ou d’expérience sensible n’aide pas le croyant à habiter la foi qui n’est autre que l’acte de croire quand il n’y a pas de raisons de croire. L’on rejoint la mise en garde de Jean devant les signes, alors que l’unique signe est le Christ offert, à genoux devant les siens, incliné devant eux pour déposer sa vie.

  • L’article du site de l’AVREF fait également référence à cette mise en garde du théologien dominicain Gilles Berceville, dans son audition par la CIASE

p. 4 : Je suis inquiet du développement de cette pastorale de guérison. On rassemble jusqu’à 3 000 personnes dans une église, et certaines se disent guéries par des personnes au  charisme de guérison que l’on présente comme éprouvé. À mes yeux, le catholicisme devient alors une caricature de chamanisme. Le chamanisme est sans doute respectable dans certains contextes culturels mais, dans le monde catholique qui est le nôtre, cela n’a pas de sens

  • Sur les risques de confusion entre le psychologique et le spirituel, voir la page du présent site consacrée à Psychanalyse et accompagnement spirituel
  • Aux risques de confusion entre le psychologique et le spirituel, s’ajoutent les risques de confusion entre le biologique et le spirituel : il existe en effet de nombreux cas de « rémission spontanée », c’est-à-dire de guérison non explicable par la science dans son état actuel de développement, mais dont rien ne permet d’affirmer, et a fortiori de prouver qu’elles seraient l’effet d’un « intervention » particulière de Dieu (voir à ce sujet les nombreuses références scientifiques données dans l’article Spontaneous remission – Wikipedia. Voir par exemple : The spontaneous remission of cancer: Current insights and therapeutic significance – PMC (nih.gov)
  • Voir aussi, sur le présent site :

Guérisons psychique et spirituelle

Religion, pathologie, guérison, par Antoine Vergote

Miracle ou guérison psychosomatique ?

 

 

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2 commentaires

  1. Xavier Lareur 26 septembre 2023 at 08:32- Répondre

    « « rémission spontanée », c’est-à-dire de guérison non explicable par la science dans son état actuel de développement »:
    Dieu est a la source de toute création dont les lois naturelles, même celles qui ne sont pas encore découvertes. Pourquoi ferait il une entorse à ces lois s’il peut les utiliser pour guérir a la demande d’une prière? Tout « miracle » qui s’explique scientifiquement plus tard reste donc l’oeuvre de Dieu s’il fait suite à des prières.

    • jblecuit 26 septembre 2023 at 10:06- Répondre

      Ne convient-il pas de distinguer entre les rémissions spontanées indépendantes de la prière (même sans prière, elles seraient survenues) et les rémissions dépendantes de la prière (sans celle-ci, elles ne seraient pas survenues) ?

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