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Antoine Vergote

Textes introuvables d’Antoine Vergote

Textes introuvables d’Antoine Vergote

 

« Méconnaissances chrétiennes de l’humain »

Dans cet article de 1982, toujours actuel, Antoine Vergote montre pourquoi et comment, dans le christianisme, « On n’a pas pleinement reconnu, compris et estimé l’humain ». Il expose en particulier en quoi l’ignorance des processus psychiques inconscients a conduit à un certain « surnaturalisme », attribuant directement à Dieu des phénomènes en grande partie conditionnés par le psychisme, ou en quoi la méconnaissance de la sexualité a conduit l’Église à tenir un discours peu crédible à son sujet. 

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Extraits : « Les textes et les discours spirituels fourmillent d’expressions qui, n’étant pas fausses en soi, trahissent la tendance à surnaturaliser, c’est-à-dire à mettre au compte d’une initiative divine perceptible ce qui est aussi celle de l’homme. On appelle vocation par Dieu le projet de s’engager pour la vie religieuse. L’attraction pour la conversion chrétienne est un appel de Dieu. Les difficultés sur la voie choisie sont des épreuves que Dieu envoie.  […] Pareil langage peut charger les épaules des hommes de lourds fardeaux. Ils sont nombreux les appelés ou les élus que la culpabilité de l’infidélité a tourmentés. » (p. 37) « La reconnaissance des processus proprement humains qui sont sous-jacents aux phénomènes mystiques, n’implique pas une réduction de ceux-ci à de l’humain pur. En effet, les dynamismes cachés que la psychologie met à jour ne produisent pas la présence de Dieu, mais ils en conditionnent les modalités : silence, visions, manifestation éclatante ou intuition de l’inhabitation durable. » (p. 39) « l’Église a senti que le plaisir charnel est une expérience si intense que de soi elle n’ouvre pas au désir de trouver le bonheur en Dieu mais qu’elle risque au contraire de l’absorber. Dieu et le plaisir ne sont pas dans une harmonie naturelle. La psychanalyse montre même que des raisons inconscientes font que l’homme les ressent comme en rivalité. […] Pour ceux qui savent comment la vie sexuelle peut élargir l’existence et confirmer l’amour et quelles sont les conséquences néfastes de sa perturbation, les lois de l’autorité ecclésiastique sont vraiment incompréhensibles. Actuellement, elles apparaissent comme la plus grave dénégation de l’humain. L’Église y perd non seulement son autorité en une matière qui est essentielle à la culture, sa méconnaissance de la réalité humaine rend suspecte son message religieux lui-même. » (p. 41)

 


« Le Père »

Dans cet article de 2006, Antoine Vergote synthétise sa pensée au sujet de la figure paternelle au regard de la psychanalyse, de la psychologie de la religion et de la théologie. Il y situe « la paternité dans la structure de la famille, car c’est là qu’elle a son fondement et sa fonction ». Il y analyse ensuite « les dimensions d’une paternité qu’il détermine comme symbolique ». Il porte ensuite son attention « aux rapports conflictuels inhérents à la position du père ». Cet ensemble contribue « à élaborer le sens du terme père par lequel, à la suite de Jésus, les chrétiens s’adressent à Dieu ». Au terme de cette analyse, il se demande « si la tendance à effacer la différence entre les figures maternelle et paternelle n’est pas intimement cohérente avec la négation pratique ou raisonnée de la foi chrétienne en Dieu, ce Dieu qu’a révélé Jésus-Christ. L’idée de la paternité de Dieu s’affadit alors et devient “le divin” ; la foi se mue une confiance, souvent mêlée de sérénité sceptique, dans les promesses et rêves de bonheurs immédiates ». 

Plan de l’article :

1. La paternité dans la structure familiale
2. Dimensions de la paternité symbolique 
3. Difficultés à être père
       3.1. Engagement requis
       3.2. Les conflits dynamiques et leurs dangers
       3.3. Jalousie
4. Dieu «notre Père»

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« Pour une foi adulte »

Dans cet article de 1968, au contenu toujours actuel, Antoine Vergote expose les conditions de possibilités psychiques d’une foi adulte. Il y évoque notamment la tension entre autonomie et obéissance, le danger d’infantilisme, le nécessaire dépassement de l’égocentrisme, l’accueil de la foi dans son objectivité, le refus d’une vision dévirilisante du christianisme. Il écrit, p. 434 : « Pour aucune donnée humaine, le danger d’infantilisme n’est aussi grand que pour la foi religieuse. Reproduisant, au niveau de l’attitude religieuse, des relations interpersonnelles familiales, elle risque d’échouer et de faire glisser, dans les rapports à Dieu, des attitudes filiales dérivées d’une enfance simplement humaine. La dogmatique chrétienne elle-même peut présenter l’illusion d’une relation vraiment religieuse alors que, dans la vérité vécue, elle n’est que le prolongement d’une attitude humaine. » ; p. 435 : « Enracinée dans la constellation familiale, l’attitude religieuse risque, plus que n’importe quel autre comportement, de conserver les traits infantiles de sa première émergence, d’autant plus que le contenu dogmatique lui-même s’y réfère comme à son lieu symbolique. » ; p. 437 :  « Une image humaine s’interpose donc toujours entre Dieu et l’ homme qui n’est pas affectivement autonome. C’est la raison pour laquelle des vocations de crise deviennent souvent des crises de vocation. Au moment où cet homme se libère de ses besoins affectifs infantiles, il abandonne aussi facilement sa vie religieuse. Même des conversions n’échappent pas à cette loi. » ; p. 438 : « L’autonomie affective, caractéristique d’une psychologie adulte, paraît contraire au premier abord à l’idée psychologique de l’enfance et de l’obéissance de foi. A certains moments, elle s’y oppose aussi effectivement ; mais en vérité, elle en est la condition. » ; p. 442 : « Mais de toute façon le consentement intérieur à sa féminité et à sa maternité met la femme dans une attitude d’accueil qui la prédispose pour un accès contemplatif à l’absolu. L’homme, au contraire, par sa “maturation” psychologique même, est porté à résister à cette invite religieuse pour un abandon de lui-même. »

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« What the Psychology of Religion Is and What It Is Not »

Dans cet article de 1993, publié dans The International Journal for the Psychology of Religion, Antoine Vergote expose et défend sa conception de la psychologie de la religion. Selon lui, elle « n’a ni la tâche ni la compétence de construire une théorie concernant l’essentiel de la religion ou son origine. Elle commence par observer le fait que certains sujets se réfèrent à une religion et que la religion est toujours trop complexe pour être interprétée comme relevant d’un système de pensée ou comme stratégie d’adaptation au monde. En psychologie de la religion, les hypothèses de travail purement intellectualistes ou fonctionnalistes ne sont jamais pertinentes. La psychologie étudie les désirs, émotions et représentations sous-jacents et largement préconscients entrant en jeu dans les rencontres avec des signifiants religieux et déterminant conditionnellement la façon dont chacun  construit sa propre réponse. Les signifiants religieux — les symboles, les métaphores, les mots “Dieu” ou “créateur”, etc. — sont eux-mêmes multidimensionnels, et les désirs, émotions et représentations intérieurs du sujet sont surdéterminés. Ils ne sont pas dans une harmonie intérieure et pour cette raison se modifient en fonction des expériences vécues et, pour une personne religieuse, en fonction de différentes gratifications et déplaisirs religieux. Étudier les changements que représentent les expériences conflictuelles et leur résolution momentanée est la meilleur façon de saisir les représentations, émotions et structures sous-jacents qui sont (co)responsables des états observés de religion ou de non religion » (traduction libre de la conclusion de l’article)

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Deux ans plus tard, Vergote a précisé sa conception, en réponse à des commentaires d’autres psychologues de la religion

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« Concept of God and Parental Images »

Dans cet article de 1969, écrit avec Alvaro Tamayo et d’autres, Antoine Vergote livre les résultats d’une recherche en psychologie de la religion portant sur la relation entre les figures parentales et Dieu, avec une attention spéciale à la différence entre les caractéristiques maternelles et paternelles. Dans tous les échantillons, l’image de Dieu est plus paternelle que maternelle. Une travail pionnier, toujours intéressant.

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« Nous avons construit des échelles sémantiques, avec des qualités caractérisant les images paternelle et maternelle, et nous invitions nos sujets à les attribuer respectivement à la mère, au père et à Dieu », écrit Vergote (dans « Het imaginaire en het symbolische in het Godsbeeld », Tijdschrift voor Theologie, 13/3 (1973) 310-327 [ trad. par J.-M. Jaspard : « L’imaginaire et le symbolique dans la représentation de Dieu », texte dactylographié, Centre de Psychologie de la Religion, Louvain, pp. 1-24, 1973], p. 18).
Dans un ouvrage collectif postérieur de huit ans à l’article ici présenté, Vergote et ses collaborateurs ont synthétisé les résultats de toutes leurs recherches de psychologie religieuse portant sur la représentation de Dieu. L’ouvrage, co-dirigé avec Alvaro Tamayo, est partiellement disponible en ligne : The Parental Figures and the Representation of God. A Psychological and Cross-Cultural Study, (coll. « Religion and Society », 21), The Hague-Paris-New York, Mouton Publishers, 1981.

Sur le même thème, en français et en forme vulgarisée, voir « Image maternelle et image paternelle » (texte d’une conférence d’Antoine Vergote)

Pour une mise en perspective de ce travail dans l’ensemble de la réflexion de Vergote, voir le chapitre XIV de  J.-B. LECUIT, Le désir de Dieu pour l’homme. Une réponse au problème de l’indifférence, « Cogitatio Fidei », Cerf, 2017.


« Nature, culture et réalité psychique »

MainsDans cet article de 1970, Vergote répond à la question de savoir « ce que la psychologie apporte à la question du rapport entre la nature et la culture » :

I. Considérations épistémologiques sur le statut de la psychologie
1. La psychologie est partout et nulle part
2. L’inné et l’acquis
3. Une machine productrice ou douée d’esprit ?
4. Un rêve rousseauiste

II. Illustrations du psychique comme réalité mixte
1. La constitution de la personne
2. La pulsion
3. L’Œdipe ou l’interdit de l’inceste

Discussion

 
P. 171 : « La réalité psychique ne s’énonce ni dans le langage causaliste du corps, ni dans celui de l’esprit. Elle met donc mal à l’aise aussi bien les matérialistes que certains qui se disent spiritualistes. Ceci explique sans doute la curieuse alliance qu’on peut observer entre ces deux groupes. Aux matérialistes, ce qui se décrit en des termes d’intentionnalité paraît manquer de consistance et n’être qu’une provisoire illusion de la psychologie appelée populaire. En réalité, ils commencent par établir une dichotomie dans laquelle l’ordre de l’intentionnalité serait pur esprit. Les termes de mind and body l’indiquent. Par eux-mêmes ces termes déterminent la pensée de la réalité psychique, alors que celle-ci n’est ni mind ni body. Cela gêne également certains spiritualistes. La reconnaissance de la réalité psychique leur semble porter ombrage sur la consistance spirituelle de l’homme. Aussi les voit-on s’allier avec les matérialistes pour essayer d’intégrer la psychologie dans les brain sciences et la psychologie clinique dans la psychiatrie biologique. »

« La loi symbolique : négativité et instauration d’un ordre »

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Dans cet article de 1988, Antoine Vergote traite successivement de :

I. Carences de la loi symbolique : la psychopathie et l’anomie
II. La loi symbolique qui fonde l’humanité : l’interdit de l’inceste et du parricide
III. La loi biblique comme formulation modèle de la loi symbolique
IV. En guise de conclusion : le concept et les lieux de la loi symbolique

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p. 127s : « La loi symbolique est propre à l’homme qui, tout en appartenant à la nature, engendre la culture. Celle-ci ne naît pas de la palpitation ou de la chaleur de la vie. Une déchirure sépare la culture de la nature, déchirure si radicale que les termes de nature humaine ou de loi éthique naturelle, loin d’éclairer le fait humain, l’obscurcissent. Bien sûr, les réalités culturelles représentent, elles aussi, un certain ordre, bien que jamais assuré. Le langage, la société, la famille, le psychisme humain lui-même sont des systèmes organisés. Les faits de culture présente une face /128/ objective et supraindividuelle.

Les sciences humaines en étudient les lois. Celles-ci ont leur statut spécifique, car les faits de culture ne sont pas extérieurs à l’homme. Ils viennent avec l’homme qui, en engendrant la culture, s’engendre lui-même comme être humain.

La loi qui préside à cet engendrement n’est pas inscrite dans la nature. Elle n’est pas non plus une des lois qui relèvent d’un des domaines des sciences humaines : la psychologie, la sociologie, la linguistique, le politique… qui ne sont que des approches fragmentaires de l’homme. Elles présupposent toutes que l’homme soit advenu. La loi qui régit la culture ne saurait donc être identifiée à une loi scientifique. Je pense même que la question de l’origine de la culture, et donc de l’homme — question que, parmi d’autres, Freud a voulu élucider —, ne donne lieu qu’à des pseudo-mythes pseudo-scientifiques. Dans les prémisses, on introduit toujours subrepticement déjà un élément proprement culturel. Or, aucun élément de culture n’existe isolément des autres.

Il y a là une énigme que je ne sache pas qu’on ait pu déchiffrer : celle de l’auto-engendrement de l’homme qui engendre la culture. Si aucune loi scientifique ne l’explique, il nous reste cependant la possibilité de dégager, par l’interprétation, la loi qui préside à ce processus récurrent et qui fait l’histoire. Cette loi, nous l’appelons symbolique parce qu’elle définit l’advenue de l’homme comme être de culture et que la culture est un système symbolique. Tout ce qui compose la culture, en effet, — le langage, la famille, la cité…— s’organise selon des significations différenciées.

Faisons un pas de plus. Si l’homme s’humanise en engendrant la culture, ce doit être en partie par un travail négatif sur la nature dans laquelle il est immanent. La loi symbolique doit comporter une fonction négative essentielle, celle de différencier l’homme de l’être simplement naturel et de l’appeler à transformer en culture ce qui est nature en lui et autour de lui. Il est inévitable que la fonction négative de la loi symbolique introduise le désordre et suscite des conflits, car l’homme n’instaure par l’ordre culturel par une spontanéité naturelle. S’il en est ainsi, l’individu et la société se trouvent toujours au carrefour des chemins qui mènent /129/ soit à son humanisation, soit à la destruction de son humanité. Transgressant la nature, il est nécessairement pris dans la négativité de la loi symbolique et la question est de savoir si, avec elle, il se construit ou se détruit.

[suit un passage sur l’adolescence]

Pour saisir au juste la signification et l’opérativité de la loi symbolique, je réfléchirai maintenant sur sa forme concrète inaugurale : l’interdit de l’inceste, autrement dit, le complexe d’Œdipe. Sur la base empirique d’un certain nombre d’observations cliniques, Freud a énoncé la théorie générale que le complexe d’Œdipe est le complexe nodal de toute névrose. Considéré ainsi dans ses manifestations psychopathologiques, le concept de complexe d’Œdipe est une loi scientifique dans l’ordre des sciences de l’homme

[…] Freud dégage la logique et les exigences de la formation de la personne humaine. Puisque toutes les perturbations psychologiques sont les effets proches ou lointains des désirs d’accrochage incestueux et d’agressivité meurtrière, il faut bien conclure que, pour réussir son devenir humain, l’homme doit transformer ses pulsions par un travail sur elles, qui leur enlève leur orientation destructrice. Le complexe d’Œdipe doit donc également être posé comme l’événement par lequel le sujet humain en devenir devient réellement humain. Une loi commande le déroulement du complexe d’Œdipe. On peut la formuler négativement : c’est celle /136/ de l’interdiction de l’inceste et du meurtre auquel l’inceste porte l’imaginaire pulsionnel. Par une visée géniale, Freud a d’un coup conjointement posé la loi psychologique fondamentale de la psychopathologie et la loi symbolique qui définit l’humanité.

Avant d’interpréter le complexe d’Œdipe et d’examiner le sens du terme “loi symbolique”, remarquons que la reconnaissance par la psychanalyse du complexe d’Œdipe correspond à l’affirmation, dans l’anthropologie culturelle, de l’universalité de l’interdiction de l’inceste. Selon Lévi-Strauss, celle-ci est la loi universelle et minimale par laquelle la civilisation se distingue de la nature. Pour l’anthropologie culturelle, l’interdiction de l’inceste est la face négative de l’aspect positif de la civilisation : l’instauration d’un lien qui n’est plus celui de la consanguinité, un lien donc qui n’est pas naturellement donné. De cette manière, l’homme se met au-dessus du cycle naturel de la sexualité procréatrice pour établir un ordre humain d’échange et de pacte à l’intérieur même de la vie procréatrice qu’il partage avec l’animal.

Essayons maintenant de circonscrire le concept de loi symbolique. Je suppose que vous êtes d’accord que, dans la conception psychanalytique de la pathologie, l’affirmation “le complexe d’Œdipe est le complexe nodal des névroses” a le statut d’une loi scientifique. Elle rassemble en une proposition synthétique le sens caché de phénomènes fort variés et elle permet de les comprendre dans leur cohérence. Cette proposition peut d’ailleurs être soumise à l’épreuve de la vérification par l’observation clinique appropriée.

[…] Pourquoi est-ce que, dès le départ, l’homme se différencie de l’animal par l’interdit de l’inceste ? Aucune nécessité /137/ vitale, aucun besoin n’explique cet événement. Il faut qu’une loi s’impose à l’humanité, une loi qui n’est pas donnée par l’ordre du réel, mais une loi que nous appelons symbolique, parce qu’elle est inscrite dans l’ordre symbolique qu’est le langage. [… rapport entre interdit de l’inceste et nomination : (137.4)] Les noms de père, de mère et d’enfant donnent à la relation structurée la force de loi. Les noms signifient ce qui doit être. Les noms de père et de mère exhaussent leur fonction au statut d’une loi par rapport à l’enfant

[…] Le fait de nommer son père et sa mère implique pour l’enfant l’exigence qu’ils soient un vrai père et une vraie mère

 

L’Œdipe est donc une loi symbolique qui fait entrer l’enfant dans l’ordre symbolique. Le terme de loi symbolique comporte les trois caractéristiques suivantes :

  1. Ce sont les noms, les signes -dans la terminologie de Lacan : les signifiants distinctifs du langage qui déterminent l’ordre symbolique de la famille. Ce ne sont pas les sentiments ou les imaginations qui le déterminent. Au contraire, les relations instituées qualifient significativement les sentiments et les imaginations
  2. Cet ordre est symbolique parce qu’il fonde la loi qui engage les hommes dans un pacte de reconnaissance et d’obligation
  3. Cet ordre est symbolique parce qu’il établit une structure qui, au-delà des individus contingents, renvoie au passé et à l’avenir ; en d’autres termes, il s’agit d’une structure qui, en introduisant l’historicité, s’impose en même temps comme universellement humaine
[Parallélisme avec le décalogue (p. 144.3, Vergote parle d’”homologie de structure dynamique qui existe entre la loi symbolique de l’Oedipe et du Décalogue /141/.4] La reconnaissance de Jahvé ne peut se faire que par la coupure conflictuelle d’avec les représentations et les désirs religieux imaginaires de l’homme

[/143/.3] Le Décalogue est donc bien une loi symbolique. Nous y retrouvons les trois aspects que j’ai distingués dans la loi de l’Oedipe :

  1. Les signifiants distinctifs (Dieu et l’homme) déterminent un ordre symbolique
  2. Cet ordre fonde la loi qui engage dans un pacte de reconnaissance et d’obligation
  3. Cet ordre, rendu effectif par la loi, établit une structure qui situe les individus dans une histoire et au-delà des contingences du lieu et du temps. Il a une visée universellement humain »

 


« Image maternelle et image paternelle »

PèreMèreDans cette conférence publiée en 1967, Antoine Vergote expose en termes simples l’essentiel de l’approche psychanalytique des figures de la mère et du père. Il précise en particulier les différences entre l’approche freudienne et l’approche jungienne, et donne des éléments de compréhension des rapports entre l’image de Dieu et les figures maternelle et paternelle, et de la formation du désir religieux en lien avec ces deux figures.

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p. 14 et 15  : « la mère est le symbole d’une totalité heureuse, d’une harmonie universelle, d’un ressourcement vital, d’un bonheur qui apaise les nostalgies. Vous comprenez que l’image maternelle sublimée symbolise ce à quoi peut aspirer le désir religieux. Je suis convaincu, cependant, que l’image maternelle ne suffit pas à faire déboucher le désir de l’homme sur une attitude authentiquement humaine ou religieuse. Il faut encore l’autre pôle, celui du père. Et d’après moi, la limitation du Jung consiste en ce qu’elle est essentiellement une psychologie du symbole maternel. »

p. 16 : « d’après Jung, la religion est portée par le désir de se retrouver soi-même en une intimité de présence à soi-même, dans une intégrité totale.

Dans une telle recherche il n’y a plus de place pour un Dieu personnel, parce qu’un homme qui cherche à se réintégrer parfaitement en soi-même, doit devenir le centre de lui-même ; il doit rejoindre à l’intérieur de lui-même son propre centre, qui est finalement son propre lui-même, son Selbst. Dans cette recherche orientée uniquement vers le symbole maternel, symbole de l’intégrité totale avec soi-même, toute altérité est exclue, tout vrai rapport avec autrui est exclu. L’homme doit finalement entrer dans la pleine possession de lui-même. Si nous critiquons les excès et les lacunes fondamentales de la psychologie jungienne, nous reconnaissons cependant que Jung a mis en lumière une réalité psychologique à peu près absente de l’œuvre freudienne : celle de l’image maternelle. Et l’image maternelle représente et figure une expérience de bonheur premier, qui est la condition nécessaire pour tout épanouissement humain. En l’absence des valeurs maternelles, le désir humain finit par s’éteindre. Il faut l’expérience de la sécurité, du bonheur et de l’intégrité première pour que l’on puisse espérer et s’orienter dans la vie avec confiance. L’avenir, qui serait plus représenté par la figure paternelle, ne prend de sens que sur un fond d’expérience première archaïque qui préfigure un bonheur futur ».

 


« Réflexions psychologiques sur le devenir humain et chrétien du prêtre »

PriestUn article qui, malgré son ancienneté (1969), n’a pas beaucoup perdu de son actualité.

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p. 378 : « La répression violente, précoce et durable de la sexualité, ne va pas sans déformation de toute la personnalité. La sexualité fait tellement partie de notre cœur et de notre chair (de notre corps vécu), que l’homme ne sort pas de son isolement affectif et qu’il ne parvient pas à se reconnaître comme individu en échange avec autrui, s’il n’assume pas la sexualité dans une expérience consciente. La répression totale se traduit de plusieurs manières. Elle peut d’abord enfermer dans l’attitude narcissique. Il est des prêtres qui n’ont vraiment aucune préoccupation réelle d’autrui. Ils pensent aux autres comme à des fonctions dans l’organisation qu’ils dirigent. D’où leur sensibilité trop aiguë pour les éloges et les égards ; leur intolérance pour l’opposition et les conflits ; leur recherche parfois ridicule de prestige mondain ; leur duplicité sournoise dans les rapports sociaux et dans les relations d’autorité. Tous ces traits composent le tableau connu de l’égocentrisme. Ce que l’on ignore trop souvent, c’est qu’il n’est pas en premier lieu d’ordre moral, mais affectif et sexuel. Il va sans dire que les défauts décrits ne sont pas l’apanage des prêtres ! Si nous avions à étudier les problèmes affectifs du mariage, nous aurions à développer des considérations analogues. Mais loin de les contredire, une telle constatation ne fait que confirmer nos propos. La répression de la sexualité, et de la relation affective avec les autres, peut également avoir pour conséquence une attitude masochiste. On se vit comme être consacré, c’est-à-dire donné aux autres, renonçant à son propre bonheur, en un mot : homme sacrifié. Concrètement cela signifie un esprit de martyre ; on caresse la souffrance du renoncement comme si elle équivalait pour lui à un état de sainteté. C’est là encore une forme subtile de narcissisme perverti. L’esprit légaliste découle lui aussi de cette répression mentionnée. Il peut aller jusqu’à la névrose obsessionnelle. Tout le christianisme y est envisagé dans la perspective du devoir, et Dieu se trouve identifié à la Loi. D’où la méfiance vétilleuse envers toute manifestation du désir humain, en soi et chez les autres. Dieu sait si cette attitude a eu des influences néfastes sur les théories et pratiques morales qui ont souvent régné dans les milieux catholiques ! Et sur le plan catéchétique, l’esprit légaliste inspire le manichéisme pratique d’une religion centrée sur la peur et sur le jugement. »

 


« La fonction opérative du nom de Dieu »

GodDans cette étude très éclairante, publié en 1981, Antoine Vergote reconstitue les liens entre foi, religion, langage et foi originelle dans le sens du monde. Il s’appuie sur les données de l’anthropologie religieuse, de la linguistique, de la phénoménologie et de la psychanalyse, ainsi que sur son expérience et sa connaissance de la foi chrétienne.

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Sur la foi comme originalité de la religion biblique

p. 81 : « C’est le message monothéiste d’Israël qui a donné naissance au terme foi comme la notion qui y correspond de manière spécifique ; parole et foi correspondent. Dans le christianisme, la catégorie de la foi est centrale comme l’attitude qui se trouve en accord avec la révélation. Dans aucune autre religion, le terme foi ne s’est vu octroyer une place aussi centrale. Dans le christianisme, il devient un mot-clé, /82/ parce qu’il signifie la connaissance confiante du Dieu qui entre dans l’histoire par l’avénement de Jésus-Christ. Dans les religions primitives, on ne connaît pas de mot pour désigner l’acte mental qui pose l’existence du divin, des dieux ou de Dieu, et qui affirme et articule par ailleurs leur action. Même les Grecs n’avaient pas conscience de croire en leurs dieux; ils les “reconnaissaient” et de la sorte s’acquittaient d’un devoir de piété. Ce serait donc une erreur de rétroprojecter notre catégorie de foi, qui est à vrai dire singulière et constitue un solécisme dans le langage religieux, sur d’autres formes de la conscience religieuse »

Sur le rapport entre la religion et la « foi originelle » en un sens du monde, que présuppose toute pensée

p. 85 : « Si l’on se soucie de situer la religion comme foi dans un ensemble plus vaste, on découvre alors ce que Husserl a été le premier à thématiser en philosophie et ce que Merleau-Ponty a repris, à savoir que la raison théorique est précédée et enveloppée par la foi. Pourquoi sommes-nous préoccupés de comprendre ? D’où vient cette passion de trouver des explications ? De la conviction initiale que les choses ont un sens. C’est dire qu’il y a un a priori qui fait partie de notre structure mentale et qui est essentiel pour notre existence : la foi dans le sens du monde. Il s’agit en l’occurrence d’une foi originelle, d’une Urglaube [foi originelle, en allemand]. C’est précisément cette foi qui anime et informe la raison théorique. La foi originelle n’est pas encore la foi religieuse. Mais il est important de constater que, dans son évolution, la raison théorique se fonde sur quelque chose qui est plus originel encore, à savoir la certitude confiante que les choses ont un sens.

Le langage, en ce qu’il présuppose sens et dialogue, et l’origine de la foi religieuse

p. 86 « D’où vient donc cette foi originelle, primitive ? C’est là une question cruciale et la réponse qui sera donnée sera déterminante pour l’orientation d’une théorie de la religion. Y a-t il en vérité une explication psychologique ou sociologique de la foi ? Nous ne trouvons pour notre part qu’une seule réponse décisive à la question de l’origine de la “foi” : la foi primitive nous est donnée en même temps que le langage lui-même. Pour peu qu’on s’engage dans le langage, on s’attend à ce que les choses aient un sens. Le langage comme tel a un pouvoir oraculaire. C’est là que réside en dernière analyse la source des intuitions concernant le divin, des énoncés oraculaires et de la foi religieuse. Grâce à cette foi confiante, qui nous est donnée en même temps que le langage, et par lui, nous sommes à même de comprendre et de situer la foi religieuse. Le langage implique la remarquable conviction que rien n’est dénué de signification. Celui qui suppose qu’il y a des choses qui n’ont pas de sens n’est pas en mesure de parler. Un deuxième a priori du langage soutient que parler renferme une référence implicite à un autre sujet, à un tu. Sitôt qu’il parle l’homme se place au sein d’une relation intersubjective. Que l’on se souvienne de l’étude de Benveniste sur ce point : il constate que tous les langages sont caractérisés par un certain nombre de structures fondamentales, entre autres par celle des trois pronoms personnels : je, tu, il. Celui qui parle s’affirme comme sujet de langage en acte, dans une référence à un tu. L’autre personne est une donnée irréductible, inhérente au pouvoir de parler. Lorsque celui qui parle se pose en sujet, il entre, en vertu de la structure du langage, dans une relation à un tu, avec lequel il peut changer de place en devenant son interlocuteur. Celui qui prend la parole se situe d’emblée dans un rapport dialogal. En réunissant ces deux implications fondamentales du langage, on y trouvera peut-être l’origine de la foi religieuse. Une longue expérience en matière de psychologie religieuse nous a convaincu que si la psychologie veut être scientifique, elle doit renoncer à prétendre expliquer génétiquement l’idée de Dieu. »

Le rôle du signifiant « Dieu » dans le développement psychologique et religieux.

p. 91 « Nous ramenons donc l’explication à un domaine subalterne. Il s’opère une interaction entre, d’une part, Dieu comme le signifiant et celui auquel réfère la foi, et, d’autre part, des éléments psychologiques qui déterminent ce que l’homme pense, se représente consciemment et vit effectivement. Interaction veut dire qu’il y a une influence réciproque, à l’instar de ce qui se passe lorsque l’enfant découvre l’autre. D’un point de vue religieux, le développement psychologique est également, par essence, régi par le langage. Le langage sur Dieu, et déjà rien que le signifiant Dieu, orientent pour une grande partie le développement psychologique de l’homme. Nous n’excluons pas de la sorte tout ce que la genèse de la personne, qui représente un déroulement compliqué, peut entraîner de modifications dans les représentations de Dieu et l’expérience vécue des relations religieuses. Rien qu’en introduisant dans le langage le mot Dieu comme signifiant avec un référent, l’homme se situe dans un contexte et cela fait surgir pour lui toute une série de questions existentielles. Car, en ce que le mot Dieu se détache des autres signifiants, il exerce une certaine puissance, voire une certaine violence sur la psychologie de l’homme. »

 

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ILLUSTRATION  

Il s’agit d’un détail de La création d’Adam, de Michel-Ange

La proximité entre le doigt d’Adam et celui de Dieu symbolise le lien entre l’être humain et Dieu

Elle évoque aussi le rapport entre les visions scientifique et théologique de l’être humain

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