Union à Dieu et phénomènes mystiques
Foi en Dieu et illusion d’omnipotence

Y a-t-il un lien entre péché et sentiment de culpabilité ? Entre désir de Dieu et fantasme d’omnipotence ? Dans quelle mesure la relation à Dieu est-elle influencée par l’inconscient, au point d’être éventuellement déterminée par lui ? Dans un article disponible en ligne, le psychanalyste et théologien protestant Thierry de Saussure apporte à ces questions vitales des réponses fines, documentés et inspirantes.

Voici l’article et d’autres ressources sur ces questions :

Thierry DE SAUSSURE, « Sentiments de culpabilité et signification du péché : approche psychanalytique », Revue de Théologie et de Philosophie, 34/3 (1984) 201-215.

Sur ces questions, voir aussi »

Extraits :

p. 208 : Les connaissances de l’inconscient, acquises par la psychanalyse, attestent que chaque être — et ceci se reflète dans toutes les cultures — véhicule aux profondeurs de son inconscient de puissantes images et fantasmes d’absolu, de totalité, de merveilleux, de toute-puissance, qui le poussent à désirer vivre cela et à éprouver la réalité, les limites de celle-ci ainsi que ses propres limites comme dures, pénibles, voire anormales. C’est le fondement du sentiment de « paradis perdu », du mythe du « bon vieux temps », par lesquels nous exprimons la vague impression qu’autrefois c’était mieux ou que plus tard ce sera idéal ; qu’il doit bien exister quelque part une situation que nous aurions vécue, ou que nous devrions découvrir un jour et dans laquelle plus rien n’est relatif, limité, partiel ; où il n’y a que totalité, absolu, bien-être sans faille

p. 212, note 4 : […] si le philosophe ou le théologien juge important de proclamer le caractère absolu de Dieu en langage conscient, il ne lui faut pas ignorer les images et fantasmes qui en découlent pour le désir inconscient. Celui-ci fonctionnant, aux profondeurs, en régime de narcissisme primaire, vit alors cette totalité comme le lieu tant cherché et enfin retrouvé de la fusion primitive dans l’indifférenciation sujet-objet et l’abolition de toute relation interpersonnelle.

p. 213 : Par la ruse du serpent qui fait miroiter l’absolu (comme notre inconscient, nous l’avons vu) et y oppose le relatif, le limité en le présentant comme un mal, une souffrance source d’envie, par cette ruse, manger du fruit défendu apparaît à la femme et à l’homme comme le moyen, enfin, d’accéder à la réalisation de ce désir d’absolu, de totalité, de toute-puissance de nos fantasmes, et de ne pas avoir à en faire le deuil qu’implique l’acceptation de la relativité et de l’altérité d’avec Dieu et entre nous, êtres humains.

p. 215 :

 — Le péché consisterait à refuser notre réalité humaine, à désirer être identiques à Dieu imaginé comme l’absolu et penser qu’il est honteux de ne pas l’être.

— Le péché serait de nous ériger en maîtres de la connaissance du bien et du mal, de maintenir cette illusion en cherchant à comptabiliser nos fautes comme si elles n’étaient que de malheureux accidents de parcours sur l’itinéraire normalement divin que nous voudrions suivre.

Or nous ne sommes pas les êtres divins et absolus, sans limites que, tels Adam et Eve, nous ne cessons de vouloir être, pour nous-mêmes, narcissiquement, et pour les autres, par crainte de leur jugement.

Mais c’est précisément à propos de cette hantise, me semble-t-il, que l’Evangile parle de libération. C’est de cette culpabilité-là, illusoire, tyrannique et stérile de n’être point l’idéal visé par notre désir, que Jésus parle d’affranchissement.

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