Le désir de Dieu : illusoire ou fiable ?
Violences sexuelles dans l’Église catholique et psychologie (5)

Dans son excellent ouvrage La trahison des pères, consacré à Emprise et abus des fondateurs de communautés nouvelles, Céline Hoyeau s’interroge très justement sur la part inconsciente, et donc difficile à détecter et à contrecarrer, de l’influence des fondateurs de communautés coupables d’abus spirituels et sexuels, tels Marie-Dominique Philippe ou frère Ephraïm (Gérard Croissant). Elle demande : 

p. 272 :  A-t-on en effet suffisamment conscience, dans l’Église, du pouvoir nocif de ce que le psychanalyste Michel Begny appelle les « flux inconscients »  [dans un article de La Croix du 5 mars 2020], qui continuent d’agir sur une communauté et ses membres, de les maintenir sous emprise, même trente ans après la mort de celui qui l’a fondée ? Selon ce psychana­lyste, qui intervient dans plusieurs communautés monastiques, « un fondateur déviant transmettra dans sa pédagogie quelque chose de sa déviance. Il pourra dispenser de très beaux enseignements spirituels, mais il transmettra aussi, au-delà de ses paroles, ce biais imperceptible, sa part sombre. » Il semble que ses dis­ciples recevront ce « flux inconscient » sans pouvoir le nommer et ce, d’autant plus qu’ils auront fait preuve d’un excès d’admiration et de confiance. « Tout ce que le disciple admire chez le fondateur, il le prend pour soi, il l’intègre à sa construction personnelle, y com­pris ce qui est déviant, et il est tout à fait possible que cela ressorte un jour, à moins qu’il ne fasse un travail personnel pour séparer en soi ce qui est juste de ce qui ne l’est pas. »

p. 276 : Un fondateur n’attire pas uniquement pour sa pensée, il transmet son inter­prétation, mais d’une parole qui vient d’ailleurs. Il attire vers plus grand que lui. Mais ces éléments ont aussi été structurés par sa pensée et ses motifs inconscients, qui vont influencer inconsciemment ses disciples.

Ces réflexions invitent fortement à tenir compte, dans le respect de l’autonomie et de l’articulation des disciplines, de l’éclairage de la psychologie et de la psychanalyse.

Cela suppose de ne pas s’en tenir à l’avis d’un seul (comme ce fut trop souvent le cas avec Tony Anatrella), de croiser les perspectives, de maintenir ouvert le questionnement critique, d’accepter de se tromper et d’avoir à être détrompé et, surtout, d’écouter vraiment les victimes.

À ce sujet, on pourra consulter

Recensions du livre de Céline Hoyeau, La trahison des pères 

Interview de Céline Hoyeau

  • par Jean-Marie Guénois dans L’Esprit des lettres, sur KTO, en avril 2021 (avec David-Marc d’Hamonville et Valadier) :

 

Podcast de Céline Hoyeau

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