Dette et désir, ouvrage majeur d’Antoine Vergote
Un article sur le désir naturel de Dieu

Dans le dernier Cahier de L’Herne, consacré à Sigmund Freud, se trouve un article très intéressant de Roger Perron sur la scientificité de la psychanalyse (Roger Perron « La psychanalyse est-elle réfutable ? », dans Freud, Cahier de l’Herne, Éditions de L’Herne, 2015, pp. 193-199).

En voici un passage-clef (p. 197-198) :

« La psychanalyse est une théorie qui tente de coordonner un certain nombre d’hypothèses générales, au premier chef celles que Freud tenait pour essentielles à sa définition (l’hypothèse de phénomènes psychiques inconscients, le rôle déterminant de la psychosexualité infantile, etc.), d’autres restant controversées au sein même de la psychanalyse (par exemple, la pulsion de mort). Il est évidemment impossible de coucher cette théorie et ces hypothèses générales sur le terrible lit de Procuste de la logique poppérienne

[le critère de réfutabilité, qui convient typiquement à la science physique] ; prétendre que cette impossibilité montre qu’il ne s’agit pas de science est une naïveté tautologique : cela montre qu’il ne s’agit pas d’une science au sens de la physique idéale souhaitée par Popper. Évidemment ! En fait, cela n’a aucun sens de déclarer que, en tant que théorie articulant des hypothèses générales, elle est “vraie” ou “fausse”. Ce qui est en cause, peut et doit être discuté, c’est son utilité. L’argumentation porte alors sur sa capacité à intégrer des faits de façon cohérente : plus elle intègre de faits, et plus elle y parvient de façon cohérente, et meilleure elle est. Si deux théories sont en balance, c’est toujours en ces termes que les scientifiques en discutent.

Ainsi, il est vain de prétendre “réfuter” la psychanalyse, et tout aussi vain de vouloir la “prouver”. On peut simplement montrer qu’elle est utile. Au sceptique, le meilleur parti que peut prendre l’analyste est de répondre : “Vous avez parfaitement le droit de vous passer de l’hypothèse d’un inconscient dynamique (ou de la sexualité infantile, ou du fantasme inconscient, etc.). Mais vous perdez alors la possibilité de comprendre bien des faits que le recours à cette hypothèse permet de comprendre : votre champ phénoménal se restreint singulièrement…” Évidemment, la psychanalyse n’est pas une science à l’aune du critère de démarcation de Popper. Mais cela n’exclut pas qu’il puisse s’agir d’une “science”, en un tout autre sens du terme : celui d’un corps de connaissances relatives à des réalités extérieures à l’esprit connaissant, des connaissances organisées par une théorie qui s’efforce d’être aussi ample et cohérente que possible, le progrès de cette connaissance se définissant lui-même par un constant va-et-vient entre l’observation et la reformulation théorique. La psychanalyse correspond évidemment à cette définition. Tout autant que la paléontologie, la préhistoire, l’archéologie, la zoologie, /198/ l’ethnographie, la géologie, etc., toutes disciplines dont nul ne conteste la scientificité, et qui se soucient fort peu de Popper. La psychanalyse relève d’une autre épistémologie que celle qu’avait tenté de fonder Popper. En tant que pratique, on peut discuter de son utilité. En tant que théorie, on peut accepter ou non son axiomatique, viser à la réformer dans tel ou tel de ses aspects, etc. Mais il ne s’agit évidemment pas d’une science qui tendrait à établir des concaténations causales. »

Sur la scientificité de la psychanalyse, voir aussi :

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