Foi en Dieu et illusion d’omnipotence
Face à la critique freudienne de la religion (2)

Comment répondre à la critique de la religion par Freud [1], tout en admettant ce qu’elle peut avoir de pertinent ? En mettant en évidence les motivations infantiles inconscientes de la croyance religieuse (la croyance illusoire en un père tout-puissant comme réponse inconsciente au vécu de détresse infantile), l’inventeur de la psychanalyse rend attentif à ce qu’il peut y avoir d’idolâtrique dans la foi religieuse (l’adhésion à des images de Dieu produites par nos peurs et nos désirs). Mais peut-on réduire celle-ci, comme il tend à le faire, à un pur produit du psychisme et de la culture ? Le théologien et psychanalyste Antoine Vergote donne un élément de réponse décisif lorsqu’il souligne combien loin d’être dans le simple prolongement du désir, la foi chrétienne en suscite la transformation en désir de Dieu, à travers une épreuve de renoncement et de désillusionnement homologue à celle du complexe d’Œdipe. Le désir du Dieu de la foi ne peut être réduit à la croyance au Dieu du désir. Cela est exposé dans ce bref extrait

de L’Anthropologie théologique à la lumière de la psychanalyse :

 

 

On y lit notamment :

p. 541 : En ce qu’elle exige ainsi une mort aux attachements premiers et spontanés, la foi prolonge cette loi fondamentale mise au jour par la psychanalyse : pour vivre, il faut mourir à l’attachement à l’objet premier, selon un processus dont le sevrage et le complexe d’Œdipe constituent deux étapes décisives : « On pourrait placer la démarche analytique sous l’adage évangélique : celui qui veut gagner sa vie la perdra, mais celui qui consent à la perdre, la gagnera », écrit Vergote, pour qui cette loi du passage par la mort et la régénération pour vivre constitue un « schème initiatique [2] » universel, mis en œuvre avec une netteté particulière dans les rites initiatiques

p. 542 : « Ce que le christianisme propose au désir est tellement étranger aux désirs humains, que Freud n’a même pas entrevu que c’est la visée même de cette religion : susciter le désir de Dieu. […] Un peu d’expérience des hommes apprend l’immense écart qu’il y a entre leurs désirs et l’éventuelle et douloureuse transformation de ceux-ci en désir de Dieu » (Antoine Vergote)

C’est ainsi que les mystiques témoignent de la longue épreuve suscitée par la nécessité, pour parvenir à la plénitude de l’union à Dieu, de consentir à être délivré de ses attachements spontanés : la transformation des désirs « proprement humains » en désirs « orientés religieusement se fait à travers une réelle épreuve, épreuve homologue à celle que représente le complexe d’Œdipe et la castration symbolique pour les désirs imaginaires du narcissisme », écrit Vergote (cité p. 223 de L’Anthropologie théologique à la lumière de la psychanalyse).

[1] Sur la critique freudienne de la religion, voir les trois composantes de l’approche psychanalytique de la religion par Freud (p. 415-420 de L’Anthropologie théologique à la lumière de la psychanalyse) [2] Sur ce « schème initiatique », voir La mort du Christ à la lumière de la psychanalyse

 

 

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