
Thérèse de Lisieux, le 30 août 1897, un mois avant sa mort
Toute sa vie, Thérèse de Lisieux a souffert d’une succession de pertes. C’est à la lumière de la plus décisive d’entre elles, sa nuit de la foi, que nous pouvons nous interroger sur la façon la plus juste de faire confiance à Dieu lorsque nous assaille l’épreuve, comme le fait l’auteur de ce site dans un article disponible gratuitement en ligne jusqu’au 14 mars, « Traverser l’épreuve avec Thérèse de Lisieux » (pour en télécharger le fichier PDF, cliquer sur le lien ci-dessus et, sur la page affichée, cliquer à nouveau sur le bouton « PDF »)
Pour une lecture psychanalytique de l’expérience et le message de Thérèse de Lisieux, très fine et pleinement respectueuse, voir le remarquable ouvrage de Jacques Maître, « L’orpheline de la Bérésina ». Thérèse de Lisieux, 1873-1897. Essai de psychanalyse socio-historique, coll. « Sciences humaines et religieuses », Éditions du Cerf, Paris, 1995, dont voici quelques extraits :
pp. 28-29 :
La vie mystique constitue un domaine où le registre de l’inconscient se trouve particulièrement à vif, car un thème central est celui de la relation primordiale à la mère, comme Freud/29/ le disait à Romain Rolland en caractérisant le « sentiment océanique ». Thérèse n’a pas manqué d’exprimer la même imagerie, déjà à propos de sa première communion :
Jésus et la pauvre Thérèse s’étaient regardés et s’étaient compris… Ce jour-là ce n’était plus un regard, mais une fusion, ils n’étaient plus deux, Thérèse avait disparu, comme la goutte d’eau qui se perd au sein de l’océan (Ms A 35 r°).
p. 29 :
Dans cette perspective globale, la problématique de chacun reste singulière. Celle de Thérèse jaillit d’abord, semble-t-il, des détresses originelles qui marquent sa toute première enfance, avec une mère dont la jeunesse a été « triste comme un linceul » ; dès le début, Thérèse subit des agonies répétées et la perte de la nourrice salvatrice, avant que l’accès au langage ait pu lui permettre de penser ses détresses, d’en parler, de les mettre ensuite au compte du passé remémorable.
p. 305 :
« [Dans son rêve, Thérèse] croyait, […] sentait qu’il y a un Ciel et que ce Ciel était peuplé d’âmes qui la chérissaient, qui la regardaient comme leur enfant (Ms B 2°) ». Elle échappait ainsi à l’angoisse d’anéantissement par l’assurance qu’il existe un au-delà et que sa mère défunte continuait à vivre, l’aimait, la protégeait. Thérèse, « absolument indifférente » jusqu’ici au personnage de la Mère Anne de Jésus, devient éperdue de reconnaissance lorsqu’elle comprend que la Mère, bien loin de rester indifférente à son tour, l’aimait très fortement. C’est Thérèse qui souligne d’ailleurs ces mots ; elle exprime sa reconnaissance « non seulement pour la Sainte qui m’avait visitée, mais encore pour tous les Bienheureux habitants du ciel », donc à sa mère elle-même, figurée par la Mère Anne de Jésus, ainsi qu’à ses frères et sœurs morts. Le visage souriant de la mère et le contact corps à corps (blottissement, enserrement dans les bras, inclusion sous les vêtements, caresses) jouent le rôle d’un objet contra-phobique pour limiter l’angoisse d’anéantissement.
p. 306 :
Tout se passe donc chez Thérèse adolescente, puis carmélite, comme si le sourire les embrassements et l’inclusion sous les vêtements d’un substitut de sa mère morte lui étaient nécessaires pour relâcher la tension due à l’angoisse de ne pas se sentir aimée et finalement d’être anéantie. Le personnage de la mère Anne de Jésus symbolise au surplus le carmel lui-même comme corps de la mère, où Thérèse se trouve incluse par recouvrement sous le voile qui lui-même signifie l’appartenance au carmel.
p. 307 :
Puis Thérèse se met à tutoyer Jésus et multiplie les expressions propres à une femme amoureuse qui s’adresse à son mari :
O mon Bien-aimé ! […] Mon unique Amour […] Aujourd’hui, le sixième anniversaire de notre union. […] Être ton épouse, ô Jésus, […] être par mon union avec toi la mère […] (Ms B 2 v°).
Évidemment, elle y entremêle des références mystiques : « grâce », « carmélite », « mère des âmes ». Mais un des traits les plus nets de sa spiritualité est la formulation directement sexuelle de ses désirs à l’égard de Jésus. Quelques exemples illustreront cette tendance.
Je veux pour toi me cacher, ô Jésus !
À des amants, il faut la solitude (PN 17).
Je suis vierge, ô Jésus ! Cependant, quel mystère !
En m’unissant à toi, des âmes je suis mère… (PN 24).
Voir aussi ces deux ouvrages du carme américain psychologue Marc Foley :
- The context of holiness. Psychological and spiritual reflections on the life of St. Thérèse of Lisieux, ICS Publications, Washington DC, 2008.
- The love that keeps us sane. Living the Little Way of S. Therese of Lisieux, coll. « Illumination books », Paulist Press, New York, N.Y., 2000.
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